Une vie simple et sans imprudences, un quotidien où tous les jours se ressemblent, des journées au rythme monotone.. Telle était la vision d’une vie normale selon Rosalyn Douglas. Elle était une jeune femme dont la passion était le dessin où depuis son plus jeune âge, elle y avait montré un intérêt prononcé et un talent naturel. Avec les années, elle voulut en faire son métier et vivre de cette passion, aussi avait-elle tout fait pour que ce rêve se réalise et aujourd’hui, elle l’enseignait. L’art ne s’arrêtait guère au dessin et elle en avait apprit tous les côtés, elle vivait dans sa bulle tant qu’elle le pouvait encore, mais très vite elle dut se forger un caractère plus dur et se fondre dans la masse. Elle était douce et affectueuse, mais ses penchants pour les arts et son côté ainsi bien trop sensible, la rendait faible aux yeux du monde. Elle n’avait jamais voulu montrer pleinement cette image d’elle aux autres, elle apprit donc à s’endurcir et tenta de maîtriser la répartie afin de paraître plus forte qu’elle ne l’était en réalité. Elle se donnait des airs de grande fille, mais au fond elle n’avait aucune confiance en elle. Malgré tout, elle avait son propre tempérament déjà fort pénible, si on faisait allusion à ses manies de toujours donner son opinion sur tout ou encore, de reprocher les choses qu’elle penserait mauvaises ou indécentes. Rose était un tantinet capricieuse et très bavarde, des défauts que son grand frère pourrait vous lister sans problèmes tant il était sa victime préférée. Oui, Rose avait un frère de seize ans son aîné et bien qu’il fût adopté par ses parents, ce qu’elle n’avait apprit que bien tard, elle l’aimait comme son véritable frère. Il ne pouvait en être autrement, il était son repère, son pilier dans la vie. Elle se sentait en sécurité avec lui dans les parages, elle l’aimait au point de fermer les yeux sur ses écarts de conduite, quand bien même elle le lui reprochait toujours à un moment ou un autre. Cela dit, la petite vie de Rose n’avait pas toujours été très heureuse. En effet, elle perdit ses parents assez jeune, alors qu’elle était encore au lycée. Elle s’en souvenait comme si c’était hier, car elle les avait aimé ses parents malgré leur éducation fort stricte et toutes leurs exigences, du moins celles de son père. Elle avait toujours suivi les règles avec sérieux et n’avait jamais fait de faux pas, elle pensait le devoir à ses parents ainsi que beaucoup d'autres choses. C’était certainement grâce à eux qu’elle en était arrivée là aujourd’hui, mais à trop se priver, finirait-elle par céder à la plus infime des tentations ?

Elle se rappelait du jour où son portable avait sonné au beau milieu d’un cours, un jour où elle n’avait pas voulu répondre, n’ayant guère pensé que ce jour arriverait si tôt… Ce ne fut qu’en retournant chez elle que la nouvelle lui fut annoncée, alors qu’elle avait trouvé deux policiers devant sa porte. « Mademoiselle Douglas ? Lula Douglas ? » Elle n’avait même pas eu le temps de rentrer dans l’allée que les deux policiers l’entourèrent prudemment, comme s’ils se préparaient à une réaction excessive de la part de la lycéenne. « C’est moi, que se passe-t-il ? » Dans un moment de doute, la jolie blonde se demanda ce qu’elle avait bien pu faire de mal et commençait déjà à stresser. Dans tous les cas, il y avait un problème. « Tout d’abord, sachez que nous n’aurions rien pu faire. » Elle plissa les yeux sans comprendre, cherchant au plus profond de sa mémoire ce qu’ils allaient bien pouvoir lui annoncer. Puis elle finit par diriger ses pensées sur sa famille, car elle pouvait sentir l’anxiété qui s’imprégnait dans l’atmosphère. « C’est à propos de vos parents… » Elle crut reconnaître un soupçon de peine dans le timbre de sa voix, mais pourquoi donc mettait-il autant de temps à le lui dire ? « Quoi ? Que leur est-il arrivé ?! Où sont-ils ?! » Maintenant, elle s’angoissait deux fois plus pour rien, car le mal était déjà fait et l’espoir n’avait plus lieu d’être. Pourquoi la laissait-elle espérer comme ça ? Ne se rendaient-ils pas compte de la cruauté dont-ils faisaient preuve ? « Ils ont eu un accident, ils ne s’en sont pas sortis. Je suis désolé, vraiment. » Et là, ce fut le drame. Elle regardait les policiers tour à tour, confuse et incrédule face à cette vérité des plus tragique. Elle resta un long moment sans rien dire, ses yeux larmoyants et ses lèvres entrouvertes, réalisant lentement ce que tout ça signifiait. Lorsqu’elle comprit enfin, les sanglots s’échappèrent et son corps ne tint plus. Avant que ses genoux n’atteignent le béton, les deux hommes l’avaient retenue et amenée sous son porche. Ils restèrent en sa compagnie jusqu’à ce qu’elle ait trouvé la force de se relever et d’écouter la suite. Non, elle ne serait pas tranquille avant un moment. La demoiselle était trop jeune et elle ne pouvait pas vivre seule, ainsi on dût la prendre en charge et l’expulser de son domicile. La placer dans un foyer était le mieux qu’ils aient pu faire, mais elle n’y resta pas longtemps avant que son grand frère ne la récupère. Ce dernier s’était éloigné des parents à qui il n’adressait plus la parole depuis des années, mais il était resté en contact avec sa sœur et ce fut tout naturellement qu’il s’occupa d’elle après ça, jusqu’à ce qu’elle puisse se prendre en main toute seule. Si la tragédie n’avait pas vraiment touché Patrick, il lui fut d’un grand soutien et d’un grand réconfort, si bien qu’elle finit par s’en remettre et avancer. Elle avait obtenu son diplôme au cours de cette même année et poursuivit ses études en enchaînant les petits boulots. Elle prit alors sa vie en main au bout de deux ans et trouva bien vite un appartement où vivre, libérant ainsi son frère de toutes charges à son propos. Elle était assez grande pour prendre son indépendance.

Six ans plus tard, elle enseignait le dessin à l’université et son salaire moyen ne lui permettait aucune folie. Elle savait se contenter du minimum et apprécier les choses simples, ainsi elle vivait convenablement dans son petit appartement où deux chats lui tenaient compagnie. Elle adorait les chats et si elle avait pu, elle en aurait adopté trois de plus ! Durant son temps libre, elle faisait du bénévolat dans les refuges animaliers, les animaux étant sans conteste sa deuxième passion après les arts. Si elle dessinait à ses heures perdues, elle écoutait principalement de la musique classique et se rendait souvent au musée comme au théâtre. Elle baignait dans les arts depuis plusieurs années et elle n’était pas prête d’en sortir, sa plus grande joie étant de pouvoir en vivre et ainsi travailler dans ce qu’elle aimait. Elle était heureuse et pour rien au monde elle ne changerait de vie, tout ce qu’elle se reprochait, était ce manque de confiance en elle qui la poursuivait toujours. Elle était parfois angoissée à l’idée de sortir dans les rues de Rio, car même si elle faisait tout pour s’endurcir, ce n’était qu’une image et uniquement cela. La vie lui réservait peut-être des surprises, même si elle n’était guère friande de ces dernières, mais personne ne savait de quoi l’avenir était fait.